L’air « Gus » Janssens.

L’adjudant-chef « Gus » Janssens cultive les paradoxes : début mars, il fracasse le mur des 4.000 heures sur Mirage, fin juin, il prend sa pension à 45 ans, après 26 ans de vols incessants.

Rendez-vous à Bierset, il y flotte un parfum d’air Gus. Chaque matin, Gus Janssens enfourche son vélo et avale huit kilomètres pour se rendre à la base de Bierset. Huit kilomètres relax, le bonnet sur la tête, huit kilomètres qui aident à rester en forme : « Quand on prend de la bouteille, on ne peut plus se permettre l’insouciance ».


L’insouciance ne fait d’ailleurs pas partie de la vie de l’adjudant-chef Janssens, l’un des derniers sous-officiers pilotes de notre Force Aérienne : 4.000 heures de Mirage V B sans le moindre accroc, ce n’est pas que de la chance, c’est aussi beaucoup d’entraînement de préparation, de métier. « J’ai effectivement accumulé beaucoup d’expérience et je tente d’en faire profiter les jeunes que j’entraîne. Je tente de vivre en escadrille, sans minuter mon temps pour m’échapper dès que le vol est terminé. Pour avoir sa place, il faut faire preuve de bonne volonté, surtout ne pas rouler des mécaniques. Entre pilotes, le grade s’oublie, c’est l’esprit d’équipe qui compte ».


L’équipe ! Gus Janssens a fait partie des prestigieux Diables Rouges, ceux pour qui on se tordait le cou quand un meeting se déroulait dans sa région, ceux qui nous épataient des mordus qui consacraient des heures à voler en formation et à mettre des programmes au point. La Force Aérienne nous a donné l’occasion de bâtir absolument ce que nous voulions.


C’était une belle époque et l’un de mes plus formidables souvenirs. Nous volions trois fois par jour pour entraîner les élèves et puis nous endossions notre « casquette » de Diables. Aujourd’hui, Gus transperce le mur des 4.000 heures sur Mirage. Il a fallu 26 ans de bons et loyaux services. « Je suis entré à l’armée en 58. J’ai fait mon instruction sur SV-4. Ensuite, je suis passé sur T-33, sur F-84 à Florennes puis sur Fouga Magister avant de partir avec sept autres pilotes suivre le cours pour passer sur Mirage. Nous avons effectué les premiers vols à Dijon. C’était en janvier 70. En octobre, nous avons entamé, comme instructeurs, notre premier cours de recyclage à Florennes.


Le Mirage, c’est plus qu’un ami, c’est une deuxième maison. Je crois que je suis devenu en quelque sorte l’esclave de l’avion et de la vitesse ». Le 30 juin, Gus quittera son poste. C’est, à 45 ans, l’heure de la pension.

« Je n’y ai jamais pensé, je n’ai rien préparé. Je suivrai un cours pour devenir moniteur-planeur. Il faut continuer à voler. La pension, ce devrait être une question personnelle, il faudrait fixer sa limite soi-même ». « Je fêterai cela avec plaisir. Je n’ai pas de regrets. J’aurais bien voulu passer sur F-16. Pour différentes raisons, cela n’a pas été possible. J’ai pourtant effectué quatre vols en Corse. Etonnant, On a beau dire que c’est plus un ordinateur qu’un avion, il reste qu’il faut encore regarder dehors et que cela va très vite. C’est aussi l’une des raisons pour laquelle le simulateur de vol ne remplace pas totalement l’entraînement de l’air. Aujourd’hui, pour des raisons d’économie, les heures de vol diminuent et on se risque donc moins à voler dans des conditions difficiles. Il y a un standard en-dessous duquel il ne faut pas descendre.

A 120 heures par an, il va falloir du temps aux jeunes parce que c’est un système qui fait boule de neige. Bientôt les jeunes pilotes seront entraînés par de jeunes moniteurs. Il ne faut pas oublier que ce que l’on nous demande ne diminue pas, il faut rester opérationnel.