Opération de dissuasion

8e Escadrille belge à Diyarbakir.

La Turquie est le seul pays de l’Otan à avoir une frontière commune avec l’Irak. Tandis que la montée en puissance alliée se poursuit en Arabie Saoudite, l’Otan procède au déploiement de l’AMF (Allied Command Europe Mobile Force) sur le sol turc. Le lieutenant-colonel Pil était encore major et commandait la 8e Escadrille.


En décembre 1990, la guerre avec l’Irak semble inévitable. Conformément à sa doctrine, l’AMF se déploie d’abord dans un but de dissuasion. La 8e Escadrille quitte Bierset le 6 janvier 1991. Jack Pil se souvient : « Quelques semaine plus tôt, nous avions appris que notre unité allait être dissoute, dans le cadre des restructurations. Cette mission nous a remonté le moral. Notre détachement est parti avec 18 Mirage V et une centaine de militaires, dont environ 25 pilotes.


Ces 14 pilotes de la 8e Escadrille volaient sur Mirage V à partir de la base turque de Diyarbakir.

La 42e Escadrille nous fournissait un renfort et l’ensemble du détachement était aux ordres du Commandant du 3e Wing, le Colonel Aviateur Jean Joly ».

Le fait que la 8e Escadrille dispose du Mirage V constituait un atout supplémentaire. Celui-ci était muni du système de contre-mesures électroniques
« Rapport II ». Cet équipement nous permettait à la fois de détecter un éventuel radar ennemi qui nous illuminait, ainsi que de le brouiller. Malgré son âge, le Mirage V était bien adapté à notre mission.


En Turquie   « L’Allemagne et l’Italie ont aussi envoyé une escadrille chacune, mais celle-ci se sont déployées à Erhac , tandis que nous nous sommes installés à Diyarbakir. Cette base turque répondait aux normes de l’Otan, mais elle était surpeuplée. Les Turcs y avait entre autre une escadrille de F-16 et une de F-5.

Le dépôt de munitions était bourré à craquer et nous avons dû stocker une grande partie de nos projectiles à d’autres endroits »


Ensuite, nous avons entamé les opérations. D’abord des vols de familiarisation avec la région, ensuite des entraînements avec des bombes d’exercice sur des champs de tir turcs. La tension a monté après le début de l’offensive aérienne alliée, le 16 janvier 1991. Le risque d’attaque terroriste, aérienne ou par missile Scud était pris au sérieux.

Lorsque nous ne volions pas, nous étions dans nos appareils, en cockpit readyness.

Le but était de décoller immédiatement en cas d’agression irakienne, d’éviter la destruction de nos avions au sol et de riposter dans le cadre des ordres de l’Otan.

L’arsenal chimique de Saddam Hussein inspirait des craintes supplémentaires. Nous disposions d’un équipement NBC complet et nos avions étaient contrôlés à l’atterrissage, pour voir si nous n’avions pas traversé un nuage toxique en vol. 

Nos armements réels consistaient en des bombes Mk 82 Snakeye et BL 755 Cluster, sans compter nos deux canons de 30 mm.
Nous étions une escadrille d’attaque au sol, mais notre défense cotre un avion ennemi, nous disposions aussi de missiles Sidewinder. Tous les pilotes avaient été entraînés à leur utilisation.

« Les contacts avec les Turcs étaient limités, surtout en raison de l’allure soutenue de nos activités. Nous nous levions tous les jours vers 5 h et nous regagnions nos logements vers 23-24 h. Pas vraiment le temps d’effectuer des visites de courtoisie ».

En Irak et au Koweït, les hostilités cessent le 3 mars. La 8e Escadrille regagne la Belgique pour y être dissoute. Le Colonel Pil repense à cette époque. « Nous avons vécu des moments intenses, au cours desquels tout le monde travaillait pour un même but. Ceux qui ont vécu ces événements éprouvent une grande fierté et une énorme satisfaction d’avoir pu faire leur métier à fond. »