Opération « Ace Guard 91»

Cette année commençait avec les bruits de bottes. La tension dans le Golfe était à son paroxysme. L’Irak persistait dans son attitude et les résolutions des Nations Unies enjoignant à l’Irak de se retirer du Koweït restaient lettre morte.


Depuis le 2 Août 1990  l’Irak avait envahi le Koweït dans le but d’annexer cet état et cela en violation du Droit International.

Le conseil de Sécurité décréta plusieurs résolutions mais Saddam Hussein fit la soude oreille. En désespoir de cause la résolution 678 fut votée par le Conseil de Sécurité. Celle-ci autorisait les Nations-Unies a utiliser tous les moyens nécessaires pour repousser les Irakiens hors du Koweït, y compris par la force. Sur cette décision, un ultimatum fut transmis à l’Irak lui enjoignant de retirer ses troupes du Koweit pour le 15 janvier 1991. Ultimatum que Saddam Hussein ignora superbement.

Devant la concentration croissante des moyens militaires, la Turquie se sentit menacée par l’Irak sur son flanc Sud et en tant que membre de l’OTAN elle demanda le déploiement de AMF/AIR.
Sur demande de l’OTAN  le gouvernement belge pris la décision, le 2 janvier 1991, d’envoyer 18 Mirages de la 8e Escadrille du 3e Wing Tac pour effectuer des vols de dissuasion au départ de la Base de DIYARBAKIR (TURQUIE) ; base située à 300 kilomètres de la frontière irakienne.
Le MDN insista bien sur le fait qu’il s’agissait de vols de dissuasion le long de la frontière Turquo-Irakienne ; donc de caractère purement défensif.
La question étant été posée, de savoir si en cas d’attaque de nos Mirages par des avions Irakiens, le droit de réplique serait-il autorisé, le Ministre de la Défense Nationale répondit affirmativement. Le 6 janvier au matin, 18 Mirages de la 8e Escadrille quittent le 3e Wing Tactique pour DIYARBAKIR où ils arrivent, après 2 escales, le 11janvier (léger retard dû aux conditions atmosphériques). Quant au personnel de soutien ils arrivent par avions C 130 du 15e Wing (+- 250 militaires de tout grade).

Dès le 14 janvier les Mirages entamaient leur mission telle que prévue.
Durant toute la période où la 8e Escadrille fut déployée à DIYARBAKIR  la vie ne fut pas facile pour le personnel belge. De longues journées de travail, sept jours sur sept, où tout le monde est en tenue de combat complète, casque sur la tête, masque anti-gaz et tenue NBC toujours à portée de mains. Cela augmentait le stress, car ces contraintes faisaient sentir encore davantage que la menace était bel et bien présente à chaque instant.
La collaboration avec le personnel Turc fut exemplaire.
Le Général John GALVIN Commandant Suprême des Force de l’OTAN en Europe rendit visite au Détachement Belge.
Du 6 janvier au 12 mars 1991, les Mirages de la 8e Escadrille effectueront 740 missions totalisant 889 heures de vol.
12.931 jours/hommes furent prestés sur place pour un total de +- 500 pêrsonnes qui participèrent à l’opération. La disponibilité « Avions » fut de plus de 90 %.
Durant ces deux mois, la Force Aérienne démontra une fois de plus toute sa valeur. Il convient d’associer à cet hommage non seulement le 3e Wing mais également le 15e Wing qui eu la lourde tâche d’assurer les vols du point de vue soutien logistique.
Le 12 mars 1991, l’Opération Ace Guard 1991 prenait fin.


Parade ACE Guard

Le 22 mars 1991, une parade a réuni le personnel de la Force Aérienne et di Service de Santé ayant participé à l’Opération ACE GUARD et ce, en présence des plus hautes autorités civiles et militaires.

A cette occasion, le Ministre de la Défense Nationale, Monsieur Coëme, mit l’accent sur le travail accompli par le personnel qui contribua au succès de l’Opération Ace Guard et transmit les remerciements du Gouvernement Belge au personnel.

Après le discours du Ministre, un représentant de la Communauté Turque de Belgique a remercié à son tour le 3e Wing et plus particulièrement la 8e Escadrille pour l’aide apportée à son pays.

Mais dans l’ombre de cette cérémonie se percevait l’inquiétude des membres de la 8e Escadrille qui allait être dissoute et également ceux dont la reconversion de Bierset en base d’hélicoptères risque de perturber l’avenir professionnel.


La Presse
Le texte qui suit, paru dans le journal « La Wallonie » du 11 janvier 91 nous semblait si éloquent que l’idée nous est venue de le reprendre.
Il était rédigé en Wallon par Monsieur Guy Fontaine mais pour la bonne compréhension de tous, nous nous sommes permis de le traduire en français.

« C’est à peine si les gens ont jetés les yeux au ciel, ce jour là au matin.
Pourtant, pour une fois, on y pouvait voir le soleil ; quelques gros nuages et, d’un coup trois avions, puis un quatrième qui semblait courir après les autres.
Je les regardais sortir d’un coin de ciel pour s’éloigner et disparaître tout aussitôt.
Certes des avions dans le ciel du Condroz, on en verrait bien de trop.
Quand c’est l’été, ils semblent vouloir raser les cheminées, jouer à sauter les arbres ou mine de le faire, à se poursuivre en tournoyant comme s’ils jouaient à une bataille.
On ne lève plus la tête pour les regarder, on les entend, on les souhaiterait bien au diable et encore plus loin.

Plus loin ils y allaient, ces quatres avions.
Au diable ? Sûr que non.
Où donc ? On le savait que trop bien ; tout comme je le savais bien moi, que dans un de ces avions, il y avait un homme et c’est comme si je le connaissais ; on avait déjà parlé deux ou trois fois ensemble au téléphone.
C’est lui qui commandait tous les autres.
« Pour nous » m’avait-il dit, cela fait des années que l’on fait des heures d’entraînement pour en arriver là.

Et vous n’avez pas peur ?
Non, on sait bien ce que l’on doit faire et nous sommes prêts.
Et vous partez pour combien de temps ?
Mystère.
Curieux métier que celui de soldat ! Passer toute sa vie à jouer à la guerre, sans avoir vraiment l’espoir de la faire un jour.
Un peu comme le pompier qui ne souhaitait sûrement pas le feu, mais qui se sent vivre plus fort quand la sirène crie au secours.
Ou comme les gâtés qui n’attendent jamais qu’une sorte ; c’est qu’il se passe qulque chose de grave pour pouvoir le raconter.
Dans tous ces hommes qui ont pris la voie du ciel pour aller en Turquie, il n’y a sûrement pas que des John Wayne et des Rambo.
Certes, il s’en trouvent toujours qui sont prêts à casser la baraque, même si ce n’est pas cela qu’on leur a demandé à faire.
Ici, on attend, on écoute les nouvelles, on voit tous ceux qu’on dit plus fort qu’il n’est et fait peur à l’autre.
On ravale son souffle.
Là-bas il y a des hommes.
Là-*bas il y a des armes.
Ceux qui sont là-bas, tout en étant des soldats sont encore avant tout.
Les grands ont déjà fait leurs comptes, une guerre pourrait coûter tant de vies, tant et tant de morts.
Même si ceux de Bierset ne sont pas dans la gueule du loup, ils ne sont pas loin du trou.
Pour moi la guerre se sont des souvenirs, des ouï-dire, des ouï-ranter. C’était encore trop près quand je suis né pour qu’on en parle plus dans les chaumières.
Pour les plus jeunes, ce sont les films de cinéma ou bien des actualités qu’on regardait comme telles parce que c’était loin derrière nous
Aujourd’hui, les mot retentit autrement, comme pourrait retentir le canon, même si nos avions se veulent, à leur manière, comme un espoir de paix ».